“Le territoire, un gestionnaire de réseaux plus que d’espace” – RDV#13
CEO Geolink Expansion, Gwénaël Le Guennec revient sur les premiers enseignements de l’opération #30RDVPOUR repenser le deveco lancée en plein cœur du confinement, le 8 avril dernier.
Vous avez lancé début avril une série de rendez-vous visant à repenser le développement économique. Quel bilan en tirez-vous ?
A quasiment mi-parcours, ce sont plus de 400 développeurs économiques qui ont répondu à notre appel. Un succès qui accrédite le constat dressé par Geolink Expansion et qui nous a amené à lancer cette opération : il est temps de changer les règles du jeu, temps de réimaginer la proposition de valeur des territoires. La crise sanitaire a confirmé l’essoufflement du modèle en vigueur et la nécessité de revoir les paradigmes. Le développement des outils numériques, l’acceptation du changement et les évolutions culturelles et organisationnelles imposent aux territoires de repenser leur feuille de route et de définir une nouvelle stratégie en adéquation avec les nouvelles perspectives qui s’offrent à eux.
Quel rôle a eu la crise sanitaire dans cette évolution ?
Elle contribue à rendre inévitable une tendance de fond. D’une certaine façon, elle est une opportunité au sens où tous les process sont accélérés et où les décisions sont prises beaucoup plus rapidement qu’à l’accoutumée. La crise a également intensifié de façon significative les relations entre territoires et entreprises. Une communication soutenue qui permet aux deux mondes de mieux se comprendre et de travailler ensemble avec une plus grande efficacité… pour le plus grand profit des deux parties.
Comment cette coopération se concrétise-t-elle pour les territoires ?
Elle se caractérise par une connaissance toujours plus fine des territoires de leur(s) propre(s) écosystème(s). Munis de cette cartographie, ils sont plus que jamais à même d’estimer leurs forces et leurs faiblesses et de définir comment les enrichir. Une logique de renforcement qui contribue à leur efficacité mais aussi à leur notoriété en leur permettant d’accueillir de nouveaux talents et de nouveaux acteurs. Dès lors, c’est un cercle vertueux qui est enclenché.
Au bout de 4 semaines, de grands axes de réflexion se sont-ils dégagés ?
De façon à couvrir l’ensemble des défis auxquels devront faire face les territoires, nous avons mis en place des semaines thématiques qui permettent de traiter en profondeur des question spécifiques (Santé & bien vieillir, Education et formation de demain, Industrie durable…). Quel que soit le secteur, la nécessité de renforcer la coopération entre les acteurs est un des points saillants de tous nos échanges. Le développeur économique doit désormais s’imaginer autant – si ce n’est plus – comme un gestionnaire de réseaux que comme un gestionnaire d’espace. Il doit veiller à créer du lien en local mais également à l’échelon national voire international.
Comment procéder ?
Il est indispensable afin de bien connaitre les enjeux du territoire de réaliser des entretiens qualitatifs avec les acteurs économiques de l’écosystème et de la filière concernée. Menés avec des clusters, des dirigeants de grands groupes ou de jeunes entrepreneurs, ces échanges, conjugués à la richesse des datas en notre possession, nous permettent de savoir comment ils participeront au projet du territoire et de déterminer précisément leurs intentions d’investissement à court terme et dans une projection à long terme Par exemple, nous réinterrogerons les acteurs sur la résilience de leur chaîne de valeur, sur les logiques d’approvisionnement dans les écosystèmes prioritaires, sur les besoins de ressources, équipements et compétences pour attirer les écoles de demain sur le territoire. Autant d’éléments qui participent à la stratégie d’attractivité d’ensemble. La coopération et le développement de partenariat sont des facteurs déterminants pour accueillir des projets exogènes structurants.
Avez-vous des exemples ?
Il existe de nombreux cas pratiques mais la récente installation d’InnovaFeed à Nesle dans les Hauts-de-France est un des plus révélateurs. Le leader de la protéine d’insectes destinée à l’aquaculture a choisi ce site pour construire ce qui sera la plus grande usine d’insectes au monde parce qu’il souhaitait s’appuyer sur un modèle industriel intégré. La présence de l’amidonnerie de Tereos lui permet de récupérer les co-produits de Tereos qui sont la matière première nécessaire à l’alimentation des insectes. Mais la symbiose industrielle ne s’arrête pas là puisqu’InnovaFeed intègre également son process de production avec celui de la chaufferie biomasse voisine… avec une économie de 35 000 tonnes de CO2 par an !
Et maintenant ?
Nous ne sommes encore qu’à mi-chemin mais nous sommes convaincus, chez Geolink Expansion, qu’il faut revoir les règles en vigueur jusque-là. Si la crise a permis aux territoires de se rapprocher des entreprises présentes sur leur sol, il faudra poursuivre le travail entrepris et définir une stratégie qui permette de rendre le territoire plus résilient. Une des clés sera non plus de viser le développement à tout prix mais de raisonner de façon plus globale en visant la complémentarité et le renforcement des écosystèmes en place.
Indispensable pour relocaliser certaines activités clefs ?
Se focaliser uniquement sur la relocalisation industrielle serait trompeur car la création de valeur dans les régions et les écosystèmes locaux viendra essentiellement de typologies d’investissements protéiformes. Le sujet de la relocalisation est certes revenu en force dans les médias mais il faut bien comprendre qu’elle n’est qu’un aspect du développement territorial. Ce qui importe, c’est de revoir notre modèle et, avec lui, nos comportements en tant que consommateurs et chefs d’entreprises responsables. Une approche beaucoup plus complexe car systémique.
Concrètement, comment cela va se caractériser ?
Si bien sûr, il y aura quelques implantations greenfield, il ressort de nos échanges avec les entrepreneurs que la majeure partie des investissements à venir concernera des relocalisations partielles sur des niches d’activités très spécifiques. Dans le contexte d’économie de partage que nous vivons actuellement, il ne s’agira pas de prendre des hectares de terrains industriels mais plutôt d’exploiter des ressources, des équipements, des m² avec la contribution des acteurs endogènes en place. La connaissance des opportunités proposées au sein même de l’écosystème devenant dès lors la meilleure garantie de succès pour le territoire. C’est ce que nous nommons chez Geolink Expansion des projets à IMPACT.
C’est-à-dire ?
La notion d’impact territorial raisonne chez nos clients car elle est le reflet de la réalité du terrain. Elle s’inscrit dans le prolongement du rôle du développeur économique en donnant du sens à tous les projets qui s’insèrent dans l’écosystème local, consolident les chaines de valeur et sont, bien sûr, en adéquation avec le projet du territoire. Le développeur territorial se mue en un accompagnateur et un coordinateur qui accueille les projets de relocalisation mais aussi de création de sites, de ré-internalisation, de mutation industrielle, d’innovation collaborative, de reprise d’activités ou – au regard des défaillances qui s’annoncent – de savoir-faire locaux. Il promeut également les projets d’expérimentation territoriale afin de faire émerger les futurs fleurons industriels du territoire. Autant de facettes d’un même enjeu qui concourent toutes à renforcer les écosystèmes locaux et la résilience du territoire et qui passent par une même démarche : d’abord la connaissance fine des écosystèmes locaux et des chaines de valeur puis la capacité de projection en fonction des besoins locaux et des opportunités identifiées.
On comprend mieux dès lors la notion de gestionnaires de réseaux plus que d’espace…
Ce que la crise a mis en exergue, c’est le rôle central du développeur territorial qui doit être en mesure d’intervenir en urgence lorsque la situation l’impose mais également d’avoir une vision à long terme. C’est ce qui ressort de nos échanges avec les directions économiques des collectivités locales qui voient désormais le deveco comme une immense « plateforme tiers de confiance » capable à la fois d’orienter les acteurs endogènes et exogènes mais également de tisser du lien entre eux. La collecte de datas endogènes sera d’ailleurs, à ce titre, essentielle pour se projeter plus efficacement vers l’exogène. Une fois ce travail effectué, ce sont les nombreuses initiatives territoriales menées partout en France qu’il faudra mettre sur le devant de la scène. Rendre visible, l’invisible, c’est ce que nous allons faire prochainement.
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