“Le ‘Zéro Artificialisation nette’ impose de repenser le foncier dédié à l’accueil des activités économiques”
Confrontée comme tous les territoires à l’objectif “Zéro Artificialisation nette”, Rennes Métropole revient par la voix de François Rouault, son directeur Développement économique sur l’impact pour les collectivités de l’objectif consacré, en 2021, par la loi Climat et résilience et présente le travail mené sur le site de la Janais, un ambitieux programme de renouvellement urbain qui doit faire du site un véritable pôle d’excellence industrielle.
Quel regard portez-vous sur la Loi Climat et résilience et l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) pour 2050 ?
C’était absolument indispensable. Avec, en moyenne, 20 000 hectares artificialisés chaque année, il devenait tout simplement impensable de continuer sur le même rythme. Aujourd’hui, nous devons prendre en compte cette donnée et travailler sur des facteurs de développement qui ne se réduisent pas à la disponibilité foncière.
Quel est, selon vous, l’impact de cette mesure ?
Bien souvent quand on pense Zéro artificialisation nette, on pense tout d’abord au développement économique et au fait d’attirer de nouvelles entreprises ou de donner les moyens aux entrepreneurs endogènes de se développer sur le territoire mais le texte concerne également l’habitat, les équipements publics ou les futures infrastructures. Il va donc falloir procéder à des priorisations et à une nouvelle façon d’appréhender la croissance démographique comme économique. Si l’augmentation, voire la verticalisation du logement, semble inéluctable, il faudra travailler avec les populations locales qui sont, de prime abord, plutôt inquiètes face à cette tendance.
Un renouvellement urbain réussi implique de travailler avec les populations locales © J.Mignot
Et d’un point de vue économique ?
Cette nouvelle donne va nous amener à travailler différemment puisqu’il ne sera plus possible de créer ex-nihilo une nouvelle zone d’activité. Néanmoins, la raréfaction du foncier va valoriser des zones considérées jusqu’alors comme moins attrayantes. Je pense notamment à d’anciennes friches urbaines ou industrielles. Aux collectivités locales de s’emparer du sujet et de préparer dès à présent l’avenir en réfléchissant à un mix efficace de l’utilisation du foncier entre habitat, développement économique, équipements publics et infrastructures.
Finalement davantage un projet de réaménagement urbain que de développement économique ?
Les deux sont indissociables et il faut peut-être davantage veiller à donner aux entreprises locales la possibilité de se créer et se développer que de chercher à en accueillir de nouvelles. Au sein de Rennes Métropole, nous avons donc entamé – avec l’aide de l’agence d‘urbanisme – un recensement des potentiels d’optimisation du foncier économique sur le territoire. Une première étape indispensable qui nous permettra d’intervenir au plus juste, au cas par cas, en fonction des projets que nous souhaitons accueillir ou pousser dans le cadre de la feuille de route territoriale.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la méthodologie mise en place ?
Sans rentrer dans les détails, nous voulons travailler main dans la main avec les entrepreneurs locaux notamment dans le cadre de potentielles divisions parcellaires. Il s’agit, par exemple, d’aller au-devant des propriétaires fonciers qui n’occupent qu’une moitié de parcelle pour réfléchir ensemble à une utilisation optimisée de l’espace qui permette de dégager de nouvelles opportunités. C’est une stratégie volontariste qui n’exclut pas la verticalisation, quand elle est possible techniquement et dans un contexte réglementaire adapté. Nous n’excluons pas ainsi d’accueillir sur une même parcelle des projets de typologie différente sur différents niveaux . Par exemple un rez-de-chaussée d’activité et un ou plusieurs étages de bureaux.
Quid d’une mixité d’usage où se côtoieraient habitat et activité économique ?
Encore une fois, c’est tout à fait possible mais il faut raisonner au cas par cas. Si je n’ai aucun mal à imaginer des logements au-dessus de bureaux ou d’un certain nombre d’activités tertiaires, il est plus difficile d’imaginer de l’habitat au-dessus de sites industriels potentiellement porteurs de nuisances comme des activités de production ou de logistique avec un flux important de poids-lourds.
Un véritable changement de mentalité…
La nécessité d’économiser l’eau, maitriser la consommation d’énergie, décarboner les activités humaines et préserver la biodiversité sont les grands enjeux de ce siècle. Il est donc indispensable de s’emparer du sujet à bras le corps et de réfléchir à des moyens adaptés à ces enjeux. Il est peut-être temps par exemple de penser à dissocier la propriété du foncier et du bâti en zone d’activité et d’imaginer des baux à construction afin de rendre inaliénable à l’avenir le foncier à vocation économique et mieux en maitriser l’utilisation. Nous souhaitons travailler avec les entreprises de Rennes Métropole afin de voir comment elles réagissent à cette idée et mesurer ainsi leur niveau d’adhésion. Le nouveau schéma d’aménagement économique qui devrait être adopté l’an prochain s’inscrira dans le prolongement de cette démarche. J’insiste néanmoins sur le fait que si notre démarche est volontariste, elle repose sur la concertation et un échange permanent avec les acteurs économiques du territoire.
Le site de La Janais, véritable terrain d’expérimentation du renouvellement urbain pour Rennes Métropole
A ce titre, le site de la Janais est symbolique de la stratégie territoriale ?
Labellisé par l’Etat ‘site industriel clés en main’, ce site emblématique de l’industrie automobile française a été imaginé comme un véritable terrain d’expérimentation du renouvellement urbain à vocation économique avec l’objectif d’en faire un pôle d’excellence industrielle reconnu et attractif. Acheté à Stellantis (ex-PSA) par l’aménageur de Rennes Métropole, avec le concours de la région Bretagne, le terrain d’une cinquantaine d’hectares au total est promis, une fois aménagé et adapté à sa nouvelle vocation, à devenir une zone d’activité Nouvelle génération, fer de lance de l’industrie du futur, innovante et bas carbone et exemplaire en matière de pratiques vertueuses dans le domaine de l’écologie industrielle.
Comment allez-vous procéder pour choisir les entreprises qui vont s’implanter sur le parc ?
Nous allons travailler très en amont pour détecter des projets qui s’inscrivent dans cette stratégie de sobriété à la fois foncière et énergétique. Nous visons deux secteurs prioritairement : l’industrie des mobilités et du bâtiment durables. L’étude des complémentarités, des synergies sera un des principaux facteurs que nous allons valoriser. Encore une fois, cette démarche sera menée avec les entrepreneurs et les porteurs de projet avec l’idée de les inciter à regarder au plus près leurs process industriels pour imaginer de potentielles réductions en matière de consommations énergétiques par exemple. L’idée est vraiment de promouvoir une sobriété vertueuse mais innovante qui profite à tous. Un concept gagnant/gagnant.
Un système d’accompagnement est-il prévu ?
Bien sûr, un accompagnement gratuit et personnalisé portant notamment sur la recherche immobilière ou foncière mais également sur la quête de financement sera proposé aux entrepreneurs qui souhaiteraient rejoindre le projet. Nous menons d’ailleurs à ce sujet une réflexion sur l’attribution d’aides destinées aux entreprises désirant s’engager dans la transition écologique et sociale et réduire leur empreinte carbone. Notre collaboration avec le groupe Stellantis s’inscrit pleinement dans cette démarche avec notamment la création d’une chaudière biomasse. Notre ambition est très claire : maintenir la vocation industrielle de la Janais via le déploiement d’activités décarbonées. Bien sûr, le site proposera également aux futurs occupants des services de facility management structurés autour des pratiques de l’écologie industrielle et de l’économie circulaire. Les infrastructures et les services proposés à La Janais offriront des capacités de mutualisation importantes pour les entreprises (énergie, sécurité…) comme pour les salariés (déplacements, restauration,… )
Un bâtiment très spécifique complète d’ailleurs ce dispositif…
A la fois incubateur, pépinière et hôtel d ‘entreprises, le “bâtiment 78” sera un vrai lieu Ressources pour les industriels. Il hébergera également des ateliers mutualisés pour développer des projets en partenariat et pourra être occupé provisoirement pour le développement de nouveaux produits. Il servira également à l’accueil d’événements, de démonstrations et de formations. Riche de nombreux experts et techno-providers comme Maupertuis Industrie, ID4car et la plateforme Excelcar, il réunira, dans un esprit de recherche collaborative, toutes celles et ceux qui œuvrent dans le domaine de l’industrie bas carbone du futur.
François Rouault, directeur Développement économique Rennes Métropôle